samedi 4 juillet 2009

Viens chez moi, ma femme m’a largué...

Depuis une heure Sadik me raconte son désastre. Et je ne sais que lui dire.
Il a 30 ans et il chiale comme un gosse. Si tu pouvais la voir… une déesse ! – me dit-il. Mariage avec Inna, leur appartement à eux, son travail et tout dernièrement un enfant – c’était comme un rêve parfait. Rien ne semblait pouvoir briser ce rêve jusqu’à un matin où Inna tout simplement a disparu avec leur fils. Quelques jours plus tard il a reçu une lettre et une requête de divorce. Le monde de Sadik s’est écroulé.
Il me remercie de l’avoir écouté et moi je dissimule mal la gêne de ne pas savoir quoi lui dire.

Nous sortons tous les deux dans la rue et nous tombons sur un jeune qui nous lance un Salam Maleikum !

Il s’appelle Kamal et nous fait vite comprendre qu’il ne parle qu'arabe. Sadik spontanément se propose de faire l'interprète. Nous nous remettons tous les trois à table.

Kamal a l’air serein, voir même rayonnant. Il vient du Darfour. Il nous raconte son périple de plusieurs années ! La fuite du village en feu, sa famille et ses camarades massacrés, les semaines d’errance, de marche dans le désert. Des mois de travail en Libye pour gagner de l’argent et payer les passeurs, les braquages, les humiliations, les mois d’attente, puis une barque de fortune et la plage de Sicile dans la nuit …

Sadik et moi, nous écoutons médusés, conscients que ce jeune Soudanais ne pourra jamais nous raconter toute la souffrance, l'angoisse qu’il a du subir.
Au fur et à mesure que Kamal raconte les étapes de son chemin qui l’a emmené à Nice, je vois comment le visage de Sadik change. Ce visage endolori qu’il porte depuis que sa femme l’a planté peut-être pour la première fois change et devient grave.

Kamal a faim. Il voudrait aussi se laver, changer de vêtements. Il n’a évidemment pas d'endroit où aller dormir. Il ne comprend pas l’utilité d’un chèque service et ne sait pas lire la carte d’une ville… Tout cela lui semble trop compliqué, étrange … complètement pommé. C’est son premier contact avec une ville européenne !

Ma femme m’a largué, j’ai assez de place chez moi, je le prends chez moi ! – s’exclame soudainement Sadik. On va s’acheter du riz ! Tu manges du riz !? – il s’adresse à Kamal qui a toujours l'air de quelqu’un qui comprend peu ce qui se passe autour de lui.

Et j’ai l’impression de voir Sadik pour la première fois. Dynamique, déterminé, enthousiaste presque !

C’est beau de voir comment Kamal a relevé Sadik.

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