mercredi 25 mars 2009

Ce n’est pas le moment.


C’est le matin. Il fait froid. Ça ne donne pas envie de parler. Gérard du campement des Enfants de don Quichotte me demande seulement un thermos.

Le soir, j’amène le thermos avec du thé chaud. Je cherche Gérard. Le campement est en pleine orgie alcoolique. « Conard de merde ! Fous le camps ! Casse-toi, pédé ! »

Quelqu'un me pousse. Un autre me tire par la main. C’est Gérard. Il est bourré, lui aussi. Il prend le thermos et me conseille de partir – « Tu vois, c’est pas le moment »

lundi 16 mars 2009

Légionnaire demain


C’est la dernière soirée. Demain il doit se présenter au portail de la Légion Étrangère. C’est le dernier jogging sur la Promenade des Anglais au rythme d’une chanson dont Piotr chante le refrain à tue-tête – Il n’y a que des jours qu’on ne connaît pas encore qui comptent !

Il s’arrête brusquement. Je dois t’avouer quelque chose– me dit-il. Une mine embêtée, Piotr commence sa confession : Pendant ces quelques semaines où je logeais chez vous, je n’étais pas seul… j’ai trouvé un homme dans la rue et je le faisais entrer et sortir en cachette, à votre insu… chaque soir et matin. C’est un pauvre gars, tu sais…

Piotr a l’air de plus en plus gêné… J’ai passé quelques nuits dehors, parce que j’ai trouvé une fille malade dans la rue… et je ne pouvais pas la laisser comme ça… Elle dormait à ma place… Quelques jours plus tard, elle a trouvé quand même une piaule. Le bouilloire que tu m’a donnée je la lui ai donnée pour qu’elle puisse se faire du thé, tu sais elle a eu cette crève… Et puis…- avec l’air d’un chien battu il continue – ton polar et tes chaussures je les ai donnés à des mecs dans la rue, tu sais… à la Légion, j'en aurai pas besoin– s’excuse-t-il. Il y en avait d’autres que je faisais entrer à la maison, dans la nuit quand vous dormiez… ils prenaient seulement la douche. Tu sais, rien que ça… Je leur ai donné tes rasoirs et tout ça… Et puis aussi les lessives… ce n’était pas pour moi. Je n’ai pas de fringues, moi…

Il se gratte la tête et conclut – Voilà, je crois que c’est tout. J’ai voulu que tu le saches avant mon départ. Je sais, j’ai abusé de ta confiance… pardonne moi. J’espère que tu n’auras pas d’ennuis... ?

Il me regarde, l'air contrit, tel un pénitent penaud. J’ai tourné la tête, en faisant semblant de regarder les vagues de la mer. Courons– ai-je crié. Je n'ai pas voulu qu’il voit combien j’étais ému.

lundi 9 mars 2009

Légionnaire.


Piotr a 22 ans. Ses parents sont morts. Il n’a plus personne ni rien en Pologne. Il a tenté sa chance à Londres. La vie de plongeur dans les pubs londoniens ne l’a pas séduit.

Il a frappé à la porte de la Légion Etrangère. Il sait qu’il ne pourra jamais rentrer en Pologne. C’est une trahison de servir dans l’armée étrangère et il risque de finir ses jours en prison.

Il sait que personne ne le saura si un jour il saute sur une mine en Afghanistan. Il sait aussi que, dans ce cas, personne ne profitera de ce qu’il aura gagné.

Je n’ai personne. Il sourit timidement. Il ne parle pas français et n’a pas bien compris des ordres pendant un examen de recrutement. Il y doit repasser dans quelques mois. En attendant il dort sur la plage. Dans la journée, il lave les vitres des voitures aux feux rouges, s’achète des kebabs et s’entraîne sur la Promenade des Anglais. Le sort d’un gladiateur ne l’effraie pas.

lundi 2 mars 2009

Pourquoi ?


Amalia, une bénévole au Secours Catholique, avec une mine dubitative, pose sérieusement cette question :

« Mais pourquoi, enfin nous, la France, nous devons nous sentir un pays d’accueil, d’asile ? Pourquoi la misère en Tchétchénie, nous devons l’assumer chez nous ? »