samedi 31 octobre 2009

Ula

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Ula, c’est un phénomène.
Son énorme amas de chiffons multicolores avec un parapluie bleu coquin de « Nestlé »
piqué au sommet, attire les regards curieux des passants et des touristes.
Ula ne parle pas français.
Ula est petite et fragile et peut avoir 70 ans.
Elle connaît les rues d’Espagne, d’Irlande, d’Italie … Maintenant elle se sent fatiguée.
Elle regarde pensivement la mer à quelques dizaines de mètres de « chez elle » et murmure :
Je ne bouge plus. Je reste ici. Je suis bien ici. Les gens ici sont bien.
De quoi a-t-elle besoin ?
D’une bouteille de coca-cola avec un soleil sur l’étiquette ! – s’exclame-t-elle avec une flamme dans les yeux. Elle en raffole !
Ula est déroutante.
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mardi 27 octobre 2009

Depuis un an ...

Comment vas tu ?
Je vois Hawa rayonnante.
Doucement, distinctement mais avec une joie qui s’affiche sur son jeune visage Hawa prononce - Très bien !
Hawa apprend farouchement la langue française.
Je dors jusqu’au matin ! Pour la première fois depuis que je suis en France ! - ajoute-t-elle en faisant toujours attention à la prononciation.
Son sourire est ravi.
Pour la première fois …
Elle n’aime pas parler de comment ni pourquoi elle a quitté l'Ethiopie … Elle dormait partout. Dans les centres d’accueil, dans la rue…
Depuis quelques jours elle habite finalement seule dans une chambre de notre maison.
Hawa est en France depuis un an …

lundi 19 octobre 2009

Homeless.

Ils attendent avec patience, disciplinés. Peut-être c’est vrai ce qu’ils disent tous – qu’ils ont déserté l’armée. Dans leurs démarches en fait, il y quelque chose qui relève de recrues.
Bien sûr qu’ils ont faim. Depuis de longues semaines, ils squattent les jardins suspendus en plein centre-ville. C’est la « jungle » niçoise des Erythréens, Ethiopiens … tous demandeurs d’asile.
Ils viennent par dizaines se restaurer au Fourneau Economique.

Barak sort de la salle à manger. Il veut se frayer un chemin à travers ses compatriotes qui attendent toujours leur tour. Avec une courtoisie exagérée, en français comiquement prononcé il vocifère : Pardon, messieurs ! S’il vous plait ! Il provoque une explosion de rires.
Un de ses copains, toujours sur le même ton théâtral et moqueur, lui lance :
Hay, HOMELESS, I don’t know you ! Un nouvel éclat de rire.
Depuis qu’ils ont fait la « une » dans Nice Matin ils ont enrichi leur vocabulaire franco-anglais et ils ont découvert une réalité européenne qui leur était inconnue dans leur pays.
Un sans abri – homeless.

jeudi 23 juillet 2009

Sur la môle du port de Nice.

Isham est Erythréen.
Il dort ensemble avec ses camarades dissimulés dans les masses de la môle du port. Ils sont nombreux.
Ils sont connus par la police. Mais, ils sont "gentils avec nous".
Ils nous demandent seulement de quitter les lieux le matin, à l’arrivée des touristes. Le soir nous pouvons retourner dans nos rochers.

Il est à Nice depuis un an. Depuis un an, en attendant toujours la réponse des services d’immigration.
En hiver c’était dur – avoue-t-il. Le froid. Isham affiche un sourire constant. Seulement quand il se souvient de l’hiver son visage s’assombrit.

La nuit, il se mêle aux blocs de béton.
Le jour, il se mêle aux touristes.
Presque invisible.

dimanche 12 juillet 2009

Temps de se caser.

Nous nous sommes donnés rendez vous un samedi matin. A 6h du matin (!) dans une rue attenante à l’hôpital St Roch.
La voiture de Marius coincée entre deux autres garées au bord de la route, je ne peux que m’arrêter « en double fil » bloquant totalement le passage à sens unique.
Nous ouvrons les capots de nos voitures. Marius tire les fils de la batterie de sa voiture et les branche à la mienne.
Mais soudainement une ambulance apparaît derrière et je suis obligé de partir. Je reviens et nous recommençons l’opération. Marius devient nerveux, de loin on entend une autre voiture s’approcher. Nous allumons les feux de détresse et continuons le travail. Marius réessaye plusieurs fois. Sa voiture ne démarre pas. Les chauffeurs de quelques voitures qui attendent bloqués s’impatientent. Des klaxons deviennent de plus en plus insistants.
Marius me jette un regard résigné – On abandonne!
Nous rangeons le matériel, nous nous serrons les mains.
Merci – me dit-il. Après tout, c’est le temps de me caser. Je ne bouge plus, je reste ici, je me sédentarise ! Et il rit déjà. Je pars. Marius reste dans sa Volkswagen rouillée où il habite depuis 5 ans.

samedi 4 juillet 2009

Viens chez moi, ma femme m’a largué...

Depuis une heure Sadik me raconte son désastre. Et je ne sais que lui dire.
Il a 30 ans et il chiale comme un gosse. Si tu pouvais la voir… une déesse ! – me dit-il. Mariage avec Inna, leur appartement à eux, son travail et tout dernièrement un enfant – c’était comme un rêve parfait. Rien ne semblait pouvoir briser ce rêve jusqu’à un matin où Inna tout simplement a disparu avec leur fils. Quelques jours plus tard il a reçu une lettre et une requête de divorce. Le monde de Sadik s’est écroulé.
Il me remercie de l’avoir écouté et moi je dissimule mal la gêne de ne pas savoir quoi lui dire.

Nous sortons tous les deux dans la rue et nous tombons sur un jeune qui nous lance un Salam Maleikum !

Il s’appelle Kamal et nous fait vite comprendre qu’il ne parle qu'arabe. Sadik spontanément se propose de faire l'interprète. Nous nous remettons tous les trois à table.

Kamal a l’air serein, voir même rayonnant. Il vient du Darfour. Il nous raconte son périple de plusieurs années ! La fuite du village en feu, sa famille et ses camarades massacrés, les semaines d’errance, de marche dans le désert. Des mois de travail en Libye pour gagner de l’argent et payer les passeurs, les braquages, les humiliations, les mois d’attente, puis une barque de fortune et la plage de Sicile dans la nuit …

Sadik et moi, nous écoutons médusés, conscients que ce jeune Soudanais ne pourra jamais nous raconter toute la souffrance, l'angoisse qu’il a du subir.
Au fur et à mesure que Kamal raconte les étapes de son chemin qui l’a emmené à Nice, je vois comment le visage de Sadik change. Ce visage endolori qu’il porte depuis que sa femme l’a planté peut-être pour la première fois change et devient grave.

Kamal a faim. Il voudrait aussi se laver, changer de vêtements. Il n’a évidemment pas d'endroit où aller dormir. Il ne comprend pas l’utilité d’un chèque service et ne sait pas lire la carte d’une ville… Tout cela lui semble trop compliqué, étrange … complètement pommé. C’est son premier contact avec une ville européenne !

Ma femme m’a largué, j’ai assez de place chez moi, je le prends chez moi ! – s’exclame soudainement Sadik. On va s’acheter du riz ! Tu manges du riz !? – il s’adresse à Kamal qui a toujours l'air de quelqu’un qui comprend peu ce qui se passe autour de lui.

Et j’ai l’impression de voir Sadik pour la première fois. Dynamique, déterminé, enthousiaste presque !

C’est beau de voir comment Kamal a relevé Sadik.

dimanche 28 juin 2009

Naser

Naser est l’étudiant à l’Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle.
La cinématographie est sa passion de toujours. Il est né à quelques pas du cinéma à Dakar.
La bourse qu’il a obtenue il y a deux ans était la réalisation de son rêve le plus fou.

Les cours, les ciné-clubs remplissent ses journées.
Il vient souvent dans des centres d’accueil de jour pour les jeunes. Il branche son ordi portable et collé à l’écran il passe des heures en réalisant des scénarios ciné pour ses études et des concours. Il en a gagné déjà quelques-uns qui lui ont valu sa bourse d’étude.

Le soir il regagne un petit parc au centre ville, s’allonge sur un banc, s’attache lui-même et son p.c. avec une ceinture au banc et il s’endort.

C’est tout ce qu’il a.