lundi 16 mars 2009

Légionnaire demain


C’est la dernière soirée. Demain il doit se présenter au portail de la Légion Étrangère. C’est le dernier jogging sur la Promenade des Anglais au rythme d’une chanson dont Piotr chante le refrain à tue-tête – Il n’y a que des jours qu’on ne connaît pas encore qui comptent !

Il s’arrête brusquement. Je dois t’avouer quelque chose– me dit-il. Une mine embêtée, Piotr commence sa confession : Pendant ces quelques semaines où je logeais chez vous, je n’étais pas seul… j’ai trouvé un homme dans la rue et je le faisais entrer et sortir en cachette, à votre insu… chaque soir et matin. C’est un pauvre gars, tu sais…

Piotr a l’air de plus en plus gêné… J’ai passé quelques nuits dehors, parce que j’ai trouvé une fille malade dans la rue… et je ne pouvais pas la laisser comme ça… Elle dormait à ma place… Quelques jours plus tard, elle a trouvé quand même une piaule. Le bouilloire que tu m’a donnée je la lui ai donnée pour qu’elle puisse se faire du thé, tu sais elle a eu cette crève… Et puis…- avec l’air d’un chien battu il continue – ton polar et tes chaussures je les ai donnés à des mecs dans la rue, tu sais… à la Légion, j'en aurai pas besoin– s’excuse-t-il. Il y en avait d’autres que je faisais entrer à la maison, dans la nuit quand vous dormiez… ils prenaient seulement la douche. Tu sais, rien que ça… Je leur ai donné tes rasoirs et tout ça… Et puis aussi les lessives… ce n’était pas pour moi. Je n’ai pas de fringues, moi…

Il se gratte la tête et conclut – Voilà, je crois que c’est tout. J’ai voulu que tu le saches avant mon départ. Je sais, j’ai abusé de ta confiance… pardonne moi. J’espère que tu n’auras pas d’ennuis... ?

Il me regarde, l'air contrit, tel un pénitent penaud. J’ai tourné la tête, en faisant semblant de regarder les vagues de la mer. Courons– ai-je crié. Je n'ai pas voulu qu’il voit combien j’étais ému.

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